Par Olivier Pélisson
Le 67e Festival de Cannes pointe le bout de son nez. Il se tiendra du 14 au 25 mai sur la Croisette et réunira le traditionnel cocktail annuel. Avec la Sélection Officielle composée des films en compétition pour la Palme d’Or, Un Certain Regard, les séances hors compétition, spéciales et de minuit, les courts métrages en compétition et la Cinéfondation. Mais aussi avec Cannes Classics, le Cinéma de la plage et les Master Class (Jacques Audiard, Sophia Loren).
Et bien sûr avec les sections parallèles composées de la 46e Quinzaine des Réalisateurs, parrainée par la SRF (Société des Réalisateurs de Films), et de la 53e Semaine de la Critique, parrainée par le SFCC (Syndicat Français de la Critique de Cinéma).
Au total, plus d’une centaine de films, plusieurs centaines de projections et des milliers de festivaliers. De quoi faire tourner la tête, ou la perdre pour certains. De quoi aussi trouver son bonheur. Car ce concentré de projections et de rencontres reste un écran unique en termes d’excitation cinéphilique et d’état des lieux sur le monde.
Une femme va présider le jury officiel, et pas des moindres : la cinéaste néo-zélandaise Jane Campion. Elle est la dixième femme à assurer la présidence depuis les débuts de la manifestation en 1946 (51 hommes ont présidé), et la première réalisatrice à part entière, après huit actrices (Olivia de Havilland, Sophia Loren, Michèle Morgan, Ingrid Bergman, Jeanne Moreau, Isabelle Adjani, Liv Ullmann, Isabelle Huppert) et une écrivaine (Françoise Sagan). Elle reste aussi à ce jour la seule réalisatrice à avoir remporté la Palme d’Or (1993), tout comme la première femme à avoir décroché l’Oscar du meilleur scénario pour un de ses propres films (en 1994, Sofia Coppola l’a suivie en 2004). Les deux fois pour La Leçon de piano.
On peut signaler une présence forte des réalisatrices dans tous les jurys, avec aussi une majorité artistique féminine dans l’officiel (Campion, Carole Bouquet, Yeon Do-jeon, Sofia Coppola, Leila Hatami, Gael Garcia Bernal, Willem Dafoe, Nicolas Winding Refn, Jia Zhang-ke), avec Nicole Garcia en présidente du jury de la Caméra d’Or, Andrea Arnold en tête du Jury du Grand Prix de la Semaine de la Critique, et Rebecca Zlotowski en tête des jurys des Prix Découverte du court métrage du Révélation de la même Semaine. Pour le jury du Prix Un Certain Regard, c’est le cinéaste argentin Pablo Trapero qui mène le bal.
Dans les films présentés, les femmes sont bel et bien là, même si toujours timidement en compétition (deux pour dix-huit films), elles sont plus nombreuses à Un Certain Regard et en séances spéciales.
Côté compétition pour la récompense suprême, dix-huit films sont en lice à ce jour. L’Europe prime (neuf films), puis l’Amérique du Nord (cinq films dont trois pour le Canada). Suivent l’Afrique (un film), l’Amérique du Sud (un film) et l’Asie (un film), sans oublier la Turquie, au carrefour de l’Europe et de l’Asie (un film).
Thierry Frémaux et son équipe continuent de concocter un savant mélange d’habitués et de nouveaux venus. Ken Loach peut s’enorgueillir de concourir pour la douzième fois à la Palme (Jimmy’s Hall). Un record pour celui qui a déjà glané l’Or (Le Vent se lève) et trois Prix du Jury (Hidden Agenda, Raining Stones, La Part des anges), et qui revient toutes sections confondues pour la dix-huitième fois sur la Croisette, depuis 1970 avec Kes à la Semaine de la Critique.
C’est la septième compétition pour Jean-Luc Godard (Adieu au langage), la sixième pour Atom Egoyan (The Captive) et les frères Dardenne (Deux jours, une nuit), la cinquième pour Mike Leigh (Mr Turner), David Cronenberg (Maps to the Stars) et Nuri Bilge Ceylan (Winter Sleep), la quatrième pour Naomi Kawase (Futatsume no mado-Still the water) et Olivier Assayas (Sils Maria), la troisième pour Bertrand Bonello (Saint Laurent) et la seconde pour Andrei Zvyagintsev (Leviathan), Tommy Lee Jones (The Homesman) et Michel Hazanavicius (The Search).
Côté arrivée en compétition, cinq cinéastes sont à l’honneur avec le Mauritanien Abderrahmane Sissako (Timbuktu), l’Argentin Damian Szifron (Relatos salvajes), l’Italienne Alice Rohrwacher (Le Meraviglie), l’Américain Bennett Miller (Foxcatcher) et le Canadien Xavier Dolan (Mommy).
Autre tendance, les acteurs et actrices qui réalisent sont très présents, qu’ils jouent ou pas dans leurs films, avec Tommy Lee Jones et Xavier Dolan en compétition, Asia Argento (Incompresa), Mathieu Amalric (La Chambre bleue) et Ryan Gosling (Lost River) à Un Certain Regard, Isild Le Besco (Les Ponts de Sarajevo) en séance spéciale hors compétition, Ronit Elkabetz (Gett) à la Quinzaine des Réalisateurs, et Mélanie Laurent (Respire) à la Semaine de la Critique.
On note évidemment des maîtres, des incontournables du cinéma contemporain, des Dardenne à Isao Takahata (Le Conte de la Princesse Kaguya, Quinzaine des Réalisateurs), de Cronenberg à Frederick Wiseman (National Gallery, Quinzaine des Réalisateurs), de John Boorman (Queen and Country, Quinzaine des Réalisateurs) à Godard, de Loach à Wim Wenders (The Salt of the Earth, Un Certain Regard).
Du cinéma de genre, avec notamment le western pour The Homesman de Tommy Lee Jones et The Salvation de Kristian Levring (Séance de minuit hors compétition), l’horreur pour la reprise de Massacre à la tronçonneuse de Tobe Hooper (Séance spéciale Quinzaine des Réalisateurs), les zombies de It Follows de David Robert Mitchell et les loups-garous de When animals dream de Jonas Alexander Arnby (Semaine de la Critique), et l’étrangeté extrême de Alleluia de Fabrice du Welz (Quinzaine des Réalisateurs).
Du sang neuf avec vingt premiers longs métrages en lice pour la Caméra d’Or. Sept à Un Certain Regard, cinq à la Quinzaine des Réalisateurs et huit à la Semaine de la Critique. Sans oublier les multiples courts métrages de toutes les sections et de la Cinéfondation.
Côté jeune garde made in France, entre révélation et confirmation, on attend beaucoup de Party Girl de Marie Amachoukeli, Claire Burger et Samuel Theis (Un Certain Regard), Mange tes morts de Jean-Charles Hue et Les Combattants de Thomas Cailley (Quinzaine des Réalisateurs) et FLA de Djinn Carrénard (Semaine de la Critique). Côtés grosses pointures hexagonales en compétition, c’est l’éclectisme avec Assayas et Hazanavicius au-delà des frontières, Godard au-delà des mots et Bonello au-delà d’une icône ? Céline Sciamma et sa Bande de filles et Bruno Dumont et son P’tit quinquin devraient aussi attirer l’attention à la Quinzaine des Réalisateurs.
Si le Canada marque la compétition avec Cronenberg, Egoyan et Dolan, Israël fait figure de bel outsider avec Keren Yedaya à Un Certain Regard (Loin de ton absence), Asaf Korman (Next to her) et Ronit & Shlomit Elkabetz (Gett) à la Quinzaine des Réalisateurs, et Shira Geffen (Self Made) et Nadav Lapid (L’Institutrice) à la Semaine de la Critique.
Des paillettes ? De la star ? Vous croyez ? Of course. Forcément. Nicole Kidman ouvrira le bal glamour en Grace Kelly (Grace de Monaco d’Olivier Dahan, Ouverture hors compétition). Sophia Loren suivra en invitée d’honneur de Cannes Classics. Et qui d’autre ? Toutes sections confondues ? Ah oui : Catherine Deneuve, Gong Li, Mads Mikkelsen, Eva Green, Juliette Binoche, Kristen Stewart, Marion Cotillard, Julianne Moore, Hilary Swank, Meryl Streep, Robert Pattinson, Annette Bening, Bérénice Bejo, Monica Bellucci, Ryan Reynolds, Steve Carell, Channing Tatum, Charlotte Gainsbourg, Jessica Chastain, James McAvoy, Isabelle Huppert, Viggo Mortensen, Eva Mendes, Ryan Gosling…
Et puis Marcello Mastroianni, le plus grand acteur du monde, brille en haut de l’affiche de cette 67e édition. Prix d’interprétation masculine à deux reprises pour Drame de la jalousie d’Ettore Scola (1970) et Les Yeux noirs de Nikita Mikhalkov (1987). Palme d’Or avec La Dolce Vita de Federico Fellini (1960) et scandale historique avec La Grande bouffe de Marco Ferreri (1973). Vingt-cinq films présentés en quasi quarante ans. La classe inégalée. Et la promesse d’une cuvée ludique et foisonnante.
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