Par Yannick Sado
Sortie : le 26 octobre 2016
Durée : 1h41
Un film britannico-français
Réalisation : Ken Loach
Distribution : Dave Johns, Briana Shann, Hayley Squires…
Peu de films auront si bien décrit le réalisme (ou le surréalisme) du marché du travail. Dans ce système aux multiples dérives, l’individu n’est rien ou presque. Un simple numéro dans la salle d’attente d’un jobcentreplus, (l’équivalent de nos Pôle emploi) de la ville froide et austère de Newcastle.
Daniel Blake atterrit ici sans trop s’y attendre. Une crise cardiaque l’oblige à renoncer un beau jour à son métier dans le bâtiment. Son cœur pouvant vaciller à tout instant, le médecin le juge inapte au travail. Pour toucher l’assistance allouée aux personnes invalides, il doit cependant obtenir l’aval d’une professionnelle médicale mandatée par l’administration. Cette dernière n’est pas médecin, ni même infirmière, mais qu’importe, l’avenir de Daniel dépend uniquement des tests qu’elle lui fera passer. Au terme de leur rendez-vous, Daniel se voit octroyé un nombre insuffisant de points pour percevoir la pension qu’il escomptait. Dès lors, un parcours semé d’embûches va se dresser sur la route du quinquagénaire : celui de l’univers des quelques 1.6 millions de chômeurs britanniques. Recalé pour l’obtention d’une prise en charge, Daniel est contraint de chercher un nouveau travail, tout en faisant appel de la décision qui le prive de sa pension d’invalidité.
Sur ce chemin des laissés pour compte, tout est fait pour contrôler et décourager les demandeurs d’emploi, quitte à finir de les briser socialement et psychologiquement. L’administration affiche à leur égard une défiance désarmante : Daniel Blake doit ainsi apporter la preuve qu’il a bel et bien déposé des cv auprès d’entreprises en présentant des photos prises avec des employeurs ou des reçus signé de leur main. Un contact téléphonique avec l’administration peut entraîner une attente interminable, avec au final, un renvoie vers un autre interlocuteur injoignable.
Le demandeur d’emploi peut aussi être amené à se rendre dans des ateliers pour apprendre à écrire son cv.
Puis, gare à lui s’il a le malheur d’arriver en retard, même s’il vient d’emménager dans la ville et qu’il doit la traverser avec ses deux enfants pour arriver au rendez-vous dans les temps. Dans tous les cas où il ne se complaît pas aux prescriptions du jobcentreplus, il encourt la radiation, même s’il a des circonstances atténuantes.
Ce film ayant valu à Ken Loach la palme d’or au dernier festival de Cannes, Moi, Daniel Blake, est un réquisitoire cinglant et des plus réalistes contre un système impitoyable avec les plus faibles.