Par France Hatron
Film français
Sortie : 29 décembre 2010
Genre : Drame
Durée : 1 h 31
Réalisation : Roberto Garzelli
Scénario : Roberto Garzelli
Interprétation : Annabelle Hettmann, Thibault Vinçon, Claudia Tagbo, Pascal Nzonzi, Emmanuel Salinger, Pierre Moure.
La caméra se déplace au ras d’un corps féminin couché sur le dos et touché du bout des doigts par une main – masculine, peut-on supposer - qui semble réaliser un diagnostic médical avec délicatesse et inspiration. Il ne s’agit de toute évidence pas d’un massage de kinésithérapeute. Puis, cette même main inscrit au marqueur des points sur ce même corps. On n’en saura pas plus pour l’instant… La seconde scène se passe dans un bloc opératoire. Elle est tout autant dépourvue de dialogues et de musique que le premier plan. On se croirait presque dans un reportage à l’esthétique visuelle perfectionnée.
Le scénario se profile juste après, lorsque Héléna, une étudiante en dessin anatomique, se souciant d’une douleur dans le ventre, attend son diagnostic dans le service de Radiologie de l’hôpital où elle effectue son stage. Un médecin charmant, qui enseigne aussi l’anatomie à la Fac, interprète ses résultats et la rassure. Il lui confie avoir remarqué un petit détail atypique de son anatomie : une côte en plus !
Nul doute que ces deux belles créatures vont aller plus loin dans le domaine de la connaissance ! Leur passion commune pour l’anatomie et leur attirance physique mutuelle les fait plonger tout d’abord dans une histoire d’amour fusionnelle, très charnelle mais somme toute assez banale. La caméra filme les protagonistes au plus près, ne laissant rien à l’imagination. Cet érotisme, jamais dénué de sensualité, est rendu ni grâce à une émotion fabriquée, ni à une intensité dramatique artificielle. Roberto Garzelli, réalisateur français d’origine italienne, a choisi de filmer ces corps enchaînés de façon naturaliste. On n’entend pas parler de sentiments dans Le sentiment de la chair, on les devine.
Très vite, le désir d’Héléna et de Benoït, et leur plaisir partagé intensément ne les comblent plus. Il leur faut explorer plus loin les secrets de leur corps. Ils ne sont pas fous et pourtant, ils se laissent emporter par ce désir d’absolu en matière de connaissance de leur intimité profonde. Pas celle de l’âme, mais celle du corps. Pour s’appartenir davantage, ils vont sonder leur propre corps comme on sonde des corps malades à la recherche d’une pathologie. On plonge alors dans l’interdit. Roberto Garzelli montre très bien les deux moyens d’expression de cet amour dévorant que sont les scènes d’amour torrides et les explorations médicales des corps qui, elles, n’ont rien d’érotique.
Dans la seconde partie du film, on frôle à chaque instant l’improbabilité de cette histoire d’amour. Et pourtant on y croît jusqu’au bout pour deux raisons : les personnages principaux n’étaient pas psychologiquement instables au début de leur relation et le réalisateur n’a jamais franchi le seuil du registre fantastique malgré son sujet propice au surnaturel.
La réussite de ce premier film doit beaucoup au talent vertigineux de ses acteurs. Thibault Vinçon incarne ce médecin passionné avec un mélange subtil de détermination, de gravité, de soumission et de lucidité. Sa performance lui vaut d’ailleurs une pré sélection pour le César du meilleur espoir masculin. Il a notamment joué au théâtre pour Mesguish, Sobel et Podalydès. Sa partenaire à l’écran Annabelle Hettmann se défend par sa beauté naturelle et envoutante, une grâce et une souplesse désarmantes (elle a fait ses classes à l’Opéra de Paris !) qui donnent à son personnage toute la naïveté de la jeunesse et la douleur immense qu’il imposait.
Avec ce scénario atypique, Roberto Garzelli a pris le risque de nous éloigner de ses personnages et de nous dégoûter de l’anatomie. Or, il parvient à nous emmener très loin dans leur obsession, sans nous malmener. Demeurent en effet toujours une pudeur et un mystère qui marquent la distance avec l’insoutenable et une sensualité qui nous fait vibrer sans presque jamais nous émouvoir. Etonnante et destabilisante sensation.
0 h 42 min le 7 janvier 2013
Ok, you can republish my article if you put my name France Hatron.
Thanks.
All the best.
France