Par France Hatron
Film serbo-albanais
Genre : Drame
Durée : 1 h 35
Réalisation : Goran Paskaljevic
Scénario : Goran Paskaljevic, Genc Permeti
Interprétation : Nebojsa Milovanovic, Jelena Trkulja, Josef Shiroka, Mirela Naska, Bujar Lako, Yllka Mujo.
Deux histoires parallèles de jeunes couples quittant chacun leur pays natal, l’Albanie et la Serbie, dans l’espoir de vivre une vie meilleure dans une Europe qui les fait rêver et qui, ils l’espèrent, devrait respecter leur histoire et leurs choix de vie.
Avec l’illusion de pouvoir enfin vivre leur amour caché au grand jour, Melinda et Nik (le frère de son fiancé disparu que l’on imagine s’être noyé en essayant d’émigrer) tentent de rejoindre l’Italie en bateau. Quant aux jeunes mariés, Vera et Marko, ils prennent le train pour l’Autriche, où Marko a un contrat avec le philharmonique de
Vienne. Par un triste concours de circonstances, ils sont arrêtés par la police des frontières et vont devoir payer les erreurs des générations précédentes… Après ces deux histoires, s’en ajoute une troisième – faisant de ce film un triptyque – dans laquelle le destin des deux couples est finalement mêlé, sans pour autan t qu’ils se rencontrent.
Goran Paskaljevic s’était déjà essayé à cette structure de scénario à histoires multiples dans Les optimistes, son avant dernier film. Il laisse ici se tramer, derrière deux histoires personnelles, le problème des barrières géographiques et des barrières mentales, celui de la liberté des peuples à pouvoir migrer et celui de la liberté de penser, d’agir et d’aimer.
Les deux couples sont prêts à rompre définitivement les liens qui les unissent à leurs parents pour gagner leur liberté. Mais ils le font après une période d’hésitation car le poids ancestral des traditions, ajouté à quarante ans de dictature albanaise et à la mémoire d’une guerre fratricide barbare en Serbie, les a rendus prisonniers, incapables d’oser jouir de leurs droits. Paskaljevic filme deux mariages dans deux milieux différents : celui de nouveaux riches albanais et celui de villageois serbes agités. On retrouve dans ces longs plans séquences très réussis un peu du rythme et de l’atmosphère de Kusturica. Si Paskaljevic porte un regard d’amour indéniable sur ses jeunes protagonistes dont il a su magnifier les visages avec une splendide lumière, celui qu’il pose en revanche sur la génération du dessus (les mères faibles, soumises à leurs maris violents sans pitié) n’est pas le même. La direction d’acteurs parfaite, et l’interprétation sans failles, tout en émotion et douleur contenues, nous offrent un drame bouleversant et artistiquement très abouti.
Lors du 54ème Festival International du Film de Valladolid en Espagne, cette première co production albano-serbe a reçu le Golden Spike ainsi que le Prix Fipresci de la critique internationale.