Par Guillaume Dimanche
On retiendra de ce 65e Festival de Cannes des œuvres qui sont autant de variations sur le thème de la traversée des ténèbres.
Le point commun de quelques uns des films présentés cette année à Cannes (2012), toutes sélections confondues, est leur zone sombre… tels un couloir, un squat, une Limousine aux vitres teintées, un deuil, la pauvreté… qui bien souvent emprisonnent leurs occupants, arrivés par hasard ou non,
dans ces zones d’ombres. La société mal orientée agonise sous leurs yeux.
Nous, spectateurs, ne sommes plus simplement témoins d’un monde en cours de destruction, d’un accident ou d’une fin brutale, comme ce fut le cas lors des éditions précédentes (Melancholia ou Antichrist de Lars Von Trier, Inglorious Basterds de Quentin Tarentino, Le Ruban blanc de Haneke,
Import Export de Ulrich Seidl…). Nous avons désormais sombré sous les ruines
d’un monde perdu. La civilisation occidentale vieillissante est arrivée à sa fin. Les ténèbres sont là. En témoignent cette année les limousines de David Cronenberg dans Cosmopolis et de Carax dans Holly Motors, le cloître obscur de Cristian Mungiu dans Au-delà des collines, ou encore les fr
igos de la mort de Brandon Cronenberg dans Antiviral.
Palmarès de réjouissances éloquent quant au degré d’espérance de nos cinéastes ! Avant, les dégâts semblaient réversibles, comme dans Import Export de Ulrich Seidl en 2007. En 2012, ils entraînent la mort et nous obligent à accepter nos vestiges, sans espoir de retour, loin de toute logique de restitution de nos biens, l’argent s’étant envolé !
Despues de lucia de Michel Franco entraîne plusieurs milliards d’êtres humains, et plus encore, d’êtres vivants dans leur chute.
Extinction des feux !
Mais, comme à son habitude, le festival nous a tout de même réservé cette année un espace de distraction, avec la comédie historique Moonrise Kingdom de Wes Anderson et la cerise sur le gâteau qu’est le cadeau promotionnel Madagascar. Quelques joyeux entractes ont aussi rythmé les scénarios obscurs de cette sélection, comme la scène magnifique de Holy Motors où Denis Lavant accompagne à l’accordéon une fanfare de tziganes dans une cathédrale.
Alors, avant que la fin du monde n’advienne, aimons et jouissons comme le suggère Taisia Igumentseva, jeune
cinéaste russe de 22 ans, dans son court-métrage Doroga-na (Prix de la Cinéfondation). En dehors, à l’envers,
des conventions et politesses, un jeune homme lutte contre l’idiotie du système, parvient à recevoir et à partager l’amour qu’il reçoit et à exprimer le sien, au mépris de tous les dangers.