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Par France Hatron Photo retour1

 

Sortie : le 4 mars 2015

A partir de 15 ans

Durée : 1h29 

Un film italo-cambodgien

Genre : Drame

Réalisation : Llaria Borrelli et Guido Freddi 

Distribution : Llaria Borrelli, Philippe Caroit, Setha Moniroth… 

 

Photo Retour 2Cambodge. L’expropriateur, Xavier Lagrange, fait écraser une grand-mère et sa cabane, sous les yeux de ses petits-enfants, Srey et Kiri. La femme de Xavier, Mia – une parisienne photographe – le rejoint au Cambodge et le surprend dans un bordel entre les mains d’une fillette : Srey. Son petit monde bien rangé s’effondre brusquement. Elle achète de la cocaïne pour son usage personnel et l’on devine que ce n’est pas la première fois.

Photo retour 4Le proxénète d’enfants, Sanan, qui règne en maître sur le bordel par la terreur, propose à Mia d’acheter Srey pour 5000 dollars. Mia, ne parvenant pas à rassembler la somme, accepte de se prostituer pour solder sa dette. Puis, dans une voiture volée, elle prend la fuite avec Srey. Le road movie dramatique a plus que commencé quand Mia découvre, dans le coffre, deux autres fillettes échappées du bordel : Malin et Daa. Les quatre nanas ne sont pas au bout de leur peine…

 

Photo retour5Avec ce second long métragecoréalisé avec son mari Guido Freddi – Llaria Borrelli, s’offre son premier rôle en incarnant ici le personnage principal, Mia. Le film rend compte de l’exploitation sexuelle des enfants au Cambodge et de la fréquente complicité de leurs parents. Ces enfants, plus ils sont jeunes – une fois drogués et remis aux mains des proxénètes – mieux ils sont vendus et souvent même revendus au prix fort.

 

photo retour 6Les intentions de la réalisatrice sont claires : dénoncer cette exploitation, en choyant l’image. Pari tenu pour la dénonciation de ce fléau de société et pour les indéniables qualités artistiques de ce film. Mais il souffre hélas d’un scénario mal maîtrisé et d’une lenteur qui s’installe au premier tiers du film et ne nous lâche plus. Ce qui ne facilite pas l’accès à l’émotion. L’interminable promenade en forêt ennuie à mourir et prend le pas sur l’histoire. Et puis, le mélange des genres entre le documentaire fiction dans la première demi heure et le road movie dans l’heure qui suit se fait sans finesse. Ajoutées à cela : l’interprétation de Llaria Borrelli, inégale et sans nuances, etla musique quasi omniprésente pour nous plonger dans le bain de l’angoisse ou de l’espoir. Les dialogues creux ne pimentent pas le tout, ni la voix off lancinante de Mia essayant de nous faire croire que sa conception de la vie évolue au fil de son voyage initiatique. Mais on n’y croit pas ! Ne restent de ce film que la douceur et la douleur de ces enfants « otages » et leur espoir qu’un jour leur vie change. D’ailleurs, quand elles jouent entre elles, les petites malheureuses évoquent leurs futurs maris !

 

Par France Hatron 

Sortie : le 28 janvier 2015

A partir de 15 ans 

Photo 2 tempsDurée : 1h25

Un film franco-canadien 

Genre : Drame

Réalisation : Christophe Cousin

Distribution : Zacharie Chasseriaud, Antoine L’Ecuyer, Aure Atika…

 

Après le décès de son père, Victor et sa mère ont quitté la France pour le Québec. En s’aventurant sur le toit de son lycée, Victor aperçoit un adolescent prêt à sauter dans le vide. Il pose alors la main sur son épaule. Surpris, le jeune entame sa chute meurtrière. Victor récupère le baladeur MP3 du défunt François, et prend la fuite. Viennent ensuite le début d’un flirt avec une jeune fille du lycée et l’interrogatoire de la police. Après Victor, c’est au tour d’un ami du défunt de témoigner.

Photo 2 temps 3Victor se sent mal dans sa peau. Il reproche à sa mère de travailler de nuit et d’avoir quitté la France où elle avait un « bon boulot » et lui « des potes ». Lors d’une ballade nocturne au bord d’une rivière à fort courant, Victor parvient à sauver Samuel tombé à l’eau. Le jour de l’enterrement de François, Victor avoue à la mère du défunt sa présence sur le toit lors du drame…

Photo 2 temps 4

Ce premier film se saisit d’entrée de jeu des préoccupations d’un adolescent presque lambda qui a perdu son père. On sent la violence qu’il a en lui lorsqu’il confie à sa psy : «  j’aimerais bien être torero ». Une façon de reprendre les rennes de sa vie en extirpant ses blessures par la violence. Mais la psy le replace dans la réalité du monde adulte : «Bon… Quelque chose de réaliste ». A partir de là, son parcours n’aura rien d’un rêve. Le suicide de son camarade sous ses yeux le replonge dans le deuil déjà lourdement éprouvé par le départ de son père. Victor passe son temps à errer, tripoter son portable, le plus souvent sans mot dire. Il cherche à établir un lien moins superficiel avec sa mère mais qui s’avère aussi stérile que les dialogues du film sont creux. L’ambiance dramatique néanmoins bien rendue – rehaussée par l’atypique format carré du film – ne réussit pas à nous faire oublier le scénario peu structuré qui nous promène d’une intention à l’autre, avec hésitation, sans grande émotion, et nous plonge souvent dans l’ennui. On cherche des liens entre les séquences qui, filmées dans le désordre, n’auraient pas changé grand-chose au déroulé de l’histoire. Quant à la direction d’acteurs, bien épurée, elle n’avantage pas les comédiens. Les thèmes de la première relation amoureuse, du désir de l’autre, des pulsions suicidaires, de la responsabilité des images et des actes, de même que celle du deuil partagé et de la culpabilité sont certes évoqués mais quasi avortés.

Photo 2 temps3

Quand Victor découvre dans le portable de François une vidéo d’un jeune (supposé être François) respirant dans un sac en plastic, on ne sait pas si le personnage est victime ou consentant, s’il pratique un jeu, s’il a décidé de mourir asphyxié devant un témoin qui filme. Ou bien s’il est contraint de respirer dans le sac jusqu’à peut-être perdre la vie. Cette scène s’avère étrange et dérangeante. A cause de cette totale liberté donnée pour appréhender des thèmes aussi préoccupants que l’appel à mourir et le passage à l’acte, souffle comme un vent de malaise sur toute cette histoire.

 

Photo 2 temps 2

 

Par France Hatron Ceci est mon corps

Sortie : le 10 décembre 2014

A partir de 15 ans

Durée : 1h34

Une comédie française

Réalisation :  Jérôme Soubeyrand

Distribution : Jérôme Soubeyrand, Marina Tomé, Christophe Alévêque, Laetitia Lopez, Hervé Dubourjal, Julie Nicolet, Pierre-Loup Rajot et Hervé Blanc

Et avec la participation amicale de : Michel Serres, Michel Onfray et Bruno Clavier 

Un prêtre nommé Gabin rencontre Marlène, une actrice délurée, drôle et touchante lors d’une thérapie de groupe. Il en tombe amoureux et décide de la retrouver à Paris. Il se présente à son domicile – une maison –  sans prévenir et s’impose par une présence de plus en plus encombrante. Il découvre la vie en communauté, sans foi ni loi, légère à souhait. Ses appréhensions du départ se transforment petit à petit en curiosité puis en plaisir de chaque instant. Parallèlement au déroulé de l’histoire, s’ajoutent les témoignages des philosophes Michel Serres et Michel Onfray sur la question de la séparation du corps et de l’esprit dans le christianisme, abordée dans les épîtres de Saint Paul. On assiste également à une séance de psychanalyse transgénérationnelle avec Bruno Clavier qui porte un secret de famille pas banal !

Ce film est très bien écrit. Ses dialogues pertinents et drôles, déclamés par des comédiens toujours justes nous régalent du début à la fin.

 

 

Par Olivier Pélisson praiadofuturo_aff_400x533.indd

 

Sortie : 3 décembre 2014

Durée : 1h47
Un film germano-brésilien
Genre : Mélodrame
Réalisation : Karim Aïnouz
Distribution : Wagner Moura, Clemens Schick, Jesuita Barbosa, Savio Ygor Ramos

 

Praia do futuro (« plage de l’avenir »). Fortaleza. Etat du Ceará. Nordeste. Brésil. C’est dans cette grande ville côtière et isolée du pays que Donato et Konrad croisent leur route. Le premier, le Brésilien, est maître-nageur. Mécanicien de motos à Berlin, le second, l’Allemand, traverse l’Amérique du sud en bécane avec son meilleur ami, qui meurt noyé, emporté par les vagues brésiliennes. Les regards et les corps parlent, et les deux hommes tombent instantanément dans les bras l’un de l’autre. Le chaud et le froid, le tropical et le continental, l’ici et l’ailleurs, la confrontation fait des étincelles. Mais les mots sont rares. Car ces deux héros des temps modernes sont taiseux. Ils se donnent avant tout à leurs pulsions. Et Donato suit Konrad avec évidence vers l’Allemagne, laissant les siens, dont son petit frère, Ayrton, qui a tant besoin de son aîné…

C016_C001_0927UCKarim Aïnouz filme inlassablement la dualité de l’être humain, jusqu’à la dichotomie intérieure, qui pousse les personnages à agir, à bouger, à partir, à larguer les amarres, pour un jour ou pour une vie. Madame Satã, Le Ciel de Suely, Viajo porque preciso, volto porque te amo, O Abismo prateado, autant de trajectoires bouleversées qu’il suit avec acuité et bienveillance, sans aucun jugement moral. Les deux premiers sont sortis en France, les deux suivants non, malgré leur présentation à Venise (Viajo) et Cannes (O Abismo). Cet éternel balancement existentiel et cette dualité trouvent leur source dans le trajet même du cinéaste, né à Fortaleza au Brésil, et résidant actuel à Berlin, et ce cinquième long résulte de la réunion de ses deux pays, de ses deux terres, de ses deux mondes.

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Au pays des taiseux, le corps est roi. Aïnouz et son scénariste Felipe Brangança font pleinement surgir les personnages par leur déplacement, leur mouvement, et le réalisateur filme avant tout des corps dans l’espace et dans le cadre de sa caméra. Il excelle à inscrire la peau comme paysage projeté dans l’espace architectural des villes et dans l’immensité de la nature, de la chaleur « nordestine » de l’Océan Atlantique à la froideur de la Mer du Nord. Une peau qui domine dans cette peinture du désir, de l’amour, et du « saudade » incessant de ce qui a été et qui n’est plus. Les corps courent, plongent, sautent, nagent, roulent, frappent et fendent la vitesse. Mais le tempo n’est pas à l’engloutissement vorace du temps. Plutôt au déroulement alangui des choses.

Photo Paia 2Le réalisateur brésilien reste un adepte de la sensation plutôt que de la psychologie, de l’expérience plutôt que de l’explication. Il utilise l’ellipse pour passer d’un pays à l’autre, d’un moment à un autre. Seuls comptes les rencontres, les croisements, les retrouvailles. Tout comme il construit ses cadres avec l’œil précis de l’étudiant en architecture qu’il a été et du plasticien qu’il est. Et ça marche. Car, transcendé par son esthétique stylisée et son parti-pris sensoriel, Praia do futuro transpire du désir intense et mélancolique de ses personnages, de leurs manques et de leurs élans. Les éléments, les saisons révèlent et accompagnent l’état intérieur des êtres, pour lesquels le Brésilien Wagner Moura et l’Allemand Clemens Schick réussissent ensemble à incarner l’amour imprévu et improbable, au-delà des océans, au-delà de la raison. C005_C010_0919AN

 

 

Par France Hatron Mary 1

 

Sortie : 12 novembre 2014 

Durée : 2h00 min

Un film franco-suisse

Genre : Biopic, Drame, Romance

Réalisation : Thomas Imbach

Distribution :

Camille Rutherford, Sean Biggerstaff, Aneurin Barnard, Edward Hogg, Mehdi Dehbi… 

 

En 1587, la reine d’Ecosse Mary Stuart s’apprête à mourir. En voix off : la lecture de sa dernière lettre à sa cousine Elizabeth, reine d’Angleterre. En flash back, Mary vient au monde, est couronnée reine d’Ecosse, apprend à marcher avec distinction. Mary 4Sans sa mère, elle embarque, à 5 ans, pour la France où elle est éduquée à la Cour. A 15 ans, elle épouse François de France et devient également reine de France lorsque son époux accède au trône deux ans plus tard. Quand ce dernier se voit emporter par la maladie, la jeune veuve rejoint l’Ecosse dévastée par la guerre. Au même moment, sa cousine Elisabeth est sacrée reine d’Angleterre.

May 2Mary se remarie à 22 ans avec son cousin Lord Darnley, un meneur du parti catholique qui se montre très vite vaniteux et désireux de jouir de son titre de roi. Jaloux de la complicité qu’entretient sa femme avec son secrétaire particulier Rizzio, Darnley supprime le supposé amant. C’est la fin du mariage royal. Mary donne pourtant naissance à un héritier : Jacques Ier d’Angleterre ou Jacques VI d’Ecosse. Mais elle réalise que l’amour de sa vie est le Comte Bothwell, un protestant rencontré sur le navire qui l’a ramenée de France. Elle tombe enceinte de lui et l’épouse après avoir fait tuer son mari. Rejetée par l’aristocratie et le peuple écossais, horrifiés par son geste et sa passion amoureuse, Mary demande de l’aide à sa cousine Elisabeth qui la fait emprisonner et finalement décapiter 19 ans plus tard.

Mary 3

Inspiré de l’œuvre Marie Stuart de Stefan Sweig, ce film aux artifices théâtraux dévoile la face privée de l’intrigante reine d’Ecosse, qui fut à la fois une martyre et une meurtrière. La trame de ce biopic psychologique dramatique est centrée sur l’adoration que voue Mary à sa cousine, la reine Elizabeth qu’elle qualifie de « sœur » mais aussi de « rivale et d’ennemie mortelle ». Dans sa correspondance qui rythme le film, elle lui dévoile ses secrets et angoisses. Toute sa vie, elle attendra d’elle : amour, reconnaissance et compassion.  Un parti pris certes intéressant mais qui imposait de contextualiser l’histoire dans l’Histoire. Le meilleur conseil donc avant de voir ce film : connaître la vie de Marie Stuart pour en comprendre et en apprécier tous les revers déroulés dans ce scénario confus. N’apparaissent pas les repères de dates, ni la scène de couronnement de la reine bébé, ni celle de son deuxième mariage. Pas de plan non plus sur Elizabeth. Autant d’ellipses qui empêchent de bien situer l’héroïne romantique – insoumise, séductrice, parfois frivole, libre d’aimer qui elle veut, prête à tout pour que Protestants et Catholiques vivent en paix – dans son époque et sa fonction.

Henri 2bisA souligner néanmoins : la beauté de l’image en général et particulièrement celle des plans de l’infortunée Mary. Son interprète, Camille Rutherford possède le minois, le port de tête et la grâce adéquates pour incarner cette figure atypique. Mais son allocution théâtrale, lente, la laisse un peu en marge de son jeu. Les tourments de la reine sont en revanche bien rendus sur les paysages embrumés, austères, portés par une musique dissonante macabre. Une scène forte retient aussi l’attention : celle des canards restés pour seuls compagnons de Mary dans la cour du château lorsque sonne son déclin. Le pari ambitieux de Thomas Imbach de ne dresser qu’un portrait psychologique en s’éloignant du traditionnel film historique n’est, vous l’aurez compris, que partiellement tenu.

 

Mary 6

 

 

Par Olivier Pélisson Lili Rose1

 

Sortie : 22 octobre 2014 

Durée : 1h30

Un film français

Genre : Road movie

Réalisation :

Bruno Ballouard

Distribution :

Salomé Stévenin, Mehdi Dehbi, Bruno Clairefond, Thomas Chabrol, Catherine Jacob 

 

Une fille. Deux garçons. Un trio imprévu qui prend la route sur un coup de tête. On a déjà vu ça sur grand écran. Et pourtant… LILI ROSE réussit à créer de l’inédit et à installer un ton, une musique, dans un premier long métrage tout en douceur.

Samir bosse comme ouvrier. Xavier vit de coups au poker. Un soir, ils rencontrent Liza, la future femme d’un pote du second qui les a invités à sa fête. Promise à une vie rangée, mais déçue par son mec en pleine soirée, elle part errer dans les rues et les deux amis la récupèrent. Commence une virée improvisée qui se prolonge en une parenthèse enchantée. Le temps de prendre le large, au bord de la mer, justement. Ailleurs que dans l’espace balisé par leur quotidien. Histoire de fuir les questions. Ou de les questionner en creux. Qu’a-t-on fait de sa vie ? S’est-on engagé sur la bonne voie ? Avec la bonne personne ? Est-on à la bonne place ? A trente, quarante ou cinquante ans, les personnages jouent leur destin à leur manière.

LILI ROSE - 7Les paysages de la côte bretonne ajoutent à cette ouverture mentale et physique. Le vent dans les herbes. La force des vagues et des marées. L’harmonie minérale des rochers. La quête et le questionnement de la liberté s’ouvrent aux éléments, loin du tumulte de la ville, de la technologie, de la performance et de la rentabilité modernes. Samir, Xavier, Liza, et le lunaire Pierrot (Thomas Chabrol) qu’ils croisent sur leur chemin, suivent le fil de leur propre pelote existentielle. Ils acceptent de le suivre en lâchant du leste. L’humour de dragueur bourlingueur de Xavier répond à la candeur bonhomme de Samir, face à l’instinct libertaire auquel Liza ouvre soudain les bras.

Lili Rose3

Bruno Ballouard a choisi de filmer des êtres qui ont déjà décidé de fuir un système de vie quadrillé, ou qui prennent la tangente pendant un week-end. Son récit fait aussi le choix d’une ligne qui privilégie la fuite et fait confiance aux pulsions, aux instincts, aux coups de cœur, aux accélérations, aux respirations. Il enchaîne des scènes construites comme des tableaux, des saynètes à humeur variable, en réaction à ce qui s’est joué juste avant. L’occasion pour l’auteur-réalisateur de distiller un ton très personnel, qui joue de la mélancolie comme du burlesque. Une note douce-amère jamais cynique et toujours bienveillante. Les personnages se regardent avec curiosité mais ne se toisent pas, hormis une frangine muselée par son frère lors d’un dîner qui dérape.
LILI ROSE - 5La finesse d’observation se mêle à un sens du cadre précis. La cocasserie des situations et des postures de Xavier et Pierrot gagne parfois l’espace pour un comique discret et décalé. Une tonalité juste que Bruno Ballouard infuse avec flair. Inspiré, il a réuni la trop rare Salomé Stévenin, sexy dans son élégance naturelle, opaque dans sa densité intérieure, Mehdi Dhebi, juvénile dans sa fluidité féline, mélancolique dans sa retenue solide, et Bruno Clairefond – une révélation-, déglingué dans son irréductibilité solitaire, touchant dans sa frondeur humaniste. Trois visages et trois corps offerts avec générosité au regard du spectateur.

 

Par Olivier Pélisson

Sortie : 8 octobre 2014 Affiche Mommy 3

Durée : 2h14
Un film canadien
Genre : Comédie dramatique
Réalisation : Xavier Dolan
Distribution : Anne Dorval, Antoine-Olivier Pilon, Suzanne Clément, Patrick Huard, Alexandre Goyette, Michèle Lituac, Viviane Pacal, Nathalie Hamel-Roy

La mère. Vaste figure que Xavier Dolan scrute, visite, fouille, depuis son premier long métrage J’AI TUE MA MÈRE. Un face-à-face implacable qui tenait de la partie de ping-pong existentiel vu par les yeux du fils. Avec MOMMY, il déplace le curseur et rejoint le regard de la génitrice. Une femme, seule, veuve, qui récupère un beau jour la garde de son fiston adolescent et copieusement agité. Trimballé d’un centre à un autre depuis la mort du père, cet hyperactif hyperémotif déborde d’amour pour sa p’tite maman. Et en déborde tellement que les situations et échanges virent à l’extrême en un quart de seconde.

Mommy 1Comment se renouveler avec ses obsessions ? Comment surprendre avec un sujet vieux comme le monde ? Comment saisir son auditoire ? C’est tout l’art de Xavier Dolan, auteur et réalisateur de ce cinquième film où il ne joue cette fois pas (comme dans LAURENCE ANYWAYS). Il a composé un ballet humain à trois personnages sans cesse au bord de la rupture. C’est là où il excelle, dans ce jeu avec les limites. Limites du relationnel entre les êtres, limites de l’acceptation entre les personnages, limite du supportable entre une mère et un fils, limites du vivable pour une femme en plein « burn out ». Et limites du cadre même de l’image sur l’écran.

Mommy 2Le cinéaste et son chef opérateur André Turpin offrent en effet au film et au spectateur le format carré, rare et dense du 1.25. Un choix qui concentre le regard encore plus fortement sur le visage de ces deux femmes et de ce garçon, solitudes aimantées les unes aux autres. Un parti-pris avec lequel ils jouent aussi lors de respirations éclatantes, qui ouvrent MOMMY à un nouvel horizon. Judicieux et pertinent comme rarement, car la forme épouse parfaitement le propos, au plus proche de l’enfermement qui guette chacun des protagonistes, au plus près des sensations du spectateur.

Créatif, foisonnant, précis, Dolan compose un univers visuel où le style claque. La palette des lumières balaie rapidement la froideur clinique initiale par un festival de couleurs chaudes, des éclats du soleil aux décors intérieurs. Outre le format marquant, le look adopté pour Diane, la mère, joue à fond la carte du voyant d’une « bimbo » mère de famille, et sert subtilement la coexistence de la fragilité et du feu dans ses veines. La voisine Kyla est plus rangée en apparence, mais sa flamboyance naît à fois de son visage tendu, de son bégaiement et de son rapport au monde. Quant à Steve, il agite sa blondeur et sa frondeur juvéniles face à elles, tout comme il jette son corps sur tous les murs de sa vie, jusqu’à faire bouger « ses » deux femmes sur du Céline Dion. Audace sonore qui décolle étonnamment, du cadre privé et fermé d’une cuisine jusqu’à la salle de cinéma qui lui fait face au moment de la projection. Mommy 3

Sculpteur méticuleux dans la construction de ses personnages, Xavier D s’est à nouveau entouré de trois interprètes qu’il a déjà conviés, avec générosité, de l’héroïne maternelle de J’AI TUÉ MA MÈRE (Anne Dorval) à la compagne de LAURENCE ANYWAYS (Suzanne Clément). Ces deux dernières et la révélation Antoine-Olivier Pilon (aperçu en ado dans LAURENCE…) trouvent en Diane, Kyla et Steve l’occasion « d’incarner » avec une force et une intensité stupéfiantes. Au-delà de l’exercice ostentatoire de la performance, ils élèvent des personnages créés sur papier, et dans la tête de leur auteur réalisateur, au statut de figures entêtantes. Le résultat est captivant et bouleversant, à la fois mûr et décapant. Du grand art.

Par Olivier Pélisson

 

LES CHÈVRES DE MA MÈRE ***
Age : Tous publics
Sortie : 16 avril 2014

Durée : 1h40

Un film français

Genre : Documentaire
Réalisation : Sophie Audier

Les chèvres de ma mère

Les chèvres 3

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

LES TROIS SŒURS DU YUNNAN ***

Age : Tous publics
Sortie : 16 avril 2014

Durée : 2h28
Un film franco-chinois
Genre : Documentaire
Réalisation : Wang Bing

Les 3 soeurs 2

Les 3 soeurs

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le hasard des sorties de films allie la même semaine deux documentaires au parallélisme bienvenu. Le plateau des Gorges du Verdon sert de décor au premier, où une femme qui élève son troupeau et concocte son fromage de chèvre, seule, depuis quarante ans, se prépare à la retraite et marraine une jeune agricultrice à qui elle va transmettre bêtes et savoir-faire. Les montagnes de la province isolée du Yunnan, au Sud-ouest de la Chine, servent de décor au second, où trois petites filles et sœurs, élèvent moutons et cochons et enchaînent les tâches quotidiennes, pendant que leur père cherche du travail à la ville.

D’un côté, Sophie Audier, jeune réalisatrice française dont c’est le premier long métrage et à la riche expérience de scripte, qui lui a permis d’affiner un regard sur le monde auprès de Roman Polanski, Alain Gomis, Manoel de Oliveira, Abderrahmane Sissako, Mahamat-Saleh Haroun ou Otar Iosseliani. De l’autre, Wang Bing, cinéaste chinois aguerri et apprécié du public de cinéma d’auteur international depuis dix ans, à qui le Centre Pompidou à Paris rend hommage de mi-avril à fin mai, avec une rétrospective (A l’ouest des rails, Fengming, Le Fossé, etc.).

 

Tous deux filment une vie dépouillée, rudimentaire, tendue comme une ligne droite, au gré des exigences de chaque jour et du rythme de chaque saison. Une existence où la nature prime et régule tout, loin des contingences administratives et citadines. Un rapport au monde dominé par l’endurance, la régularité, l’adaptabilité, la rigueur, l’opiniâtreté. Une démonstration par l’image et le son qu’il est encore possible de vivre décalé des moules bureaucratiques, marchands et du vampirisme de la mondialisation.

Maguy, Yingying, Zhenzhen et Fenfen. Quatre femmes à l’opposé du chemin professionnel, l’une au seuil de la retraite, les autres à l’âge où elles devraient ne pas encore travailler. Et pourtant tout les unit. Leur lien profond et viscéral à la nature, aux éléments, à la lumière, aux saisons, qui dictent leurs faits et gestes. Leur courage et leur plénitude tranquilles, quand rien de leur quotidien ne cède à la facilité. Leur lien familial profond et pudique, avec une femme filmée par sa fille, qui a choisi de suivre une autre voie (Maguy est la mère de Sophie Audier), et trois enfants dont la mère est partie vivre ailleurs et que le père a confié aux grands-parents.

Ces récits sont simples et limpides. Maguy veut transmettre pour pouvoir partir en retraite soulagée et trouve en Anne-Sophie une jeune agricultrice réceptive. Yingying, Zhenzhen et Fenfen avancent sans réfléchir, avec pour seule exigence de manger à leur fin et de dormir en paix dans leur environnement ascétique. Sophie Audier s’est faite complice et discrète au milieu des deux bergères-agricultrices, pour saisir le nerf de leurs avancées. Wang Bing a gagné la confiance des fillettes pour les filmer et les suivre de la maison aux champs sans commentaire.

La sensation du spectateur est dense. Car ces deux récits racontent l’universel. Et l’idéal de vie. L’engagement, le désintéressement, la transmission, la bienveillance. Tout cela dans l’état naturel de plaines et montagnes belles et rudes à la fois. Ils donnent aussi à voir la coexistence de l’ancien et du nouveau, à une époque où la technologie et le zapping généralisé menacent en permanence la contemplation et l’étirement du temps. Tout cela sous l’œil de deux cinéastes qui ont pratiquement tout filmé et cadré eux-mêmes, pour protéger la conversation nécessaire entre ce qui regarde et ce qui est regardé.  les chèvres 5

Les 3 soeurs 3C’est là où le geste de filmer devient engagé et politique. Sophie Audier saisit un mode d’être en résistance, celui d’une femme fidèle à son activisme depuis quarante ans, face aux difficultés de sa cadette qui peine à recevoir les autorisations pour s’installer comme jeune agricultrice. Quant à Wang Bing, dont le cinéma n’est pas diffusé dans son propre pays, il capte une Chine individuelle à travers une histoire particulière, qui symbolise pourtant nombre de ses concitoyens, à l’ère où l’empire chinois impose sa marque et cache sa réalité humaine au monde.

 

 

Par France Hatron  Affiche Gazelle

 

Age : A partir de 10 ans 

Sortie : 26 mars

Durée : 1h52

Un film français

Auteur : Jean-François Pignon

Réalisateur : Jean-François Pignon

Avec : Jean-François Pignon et d’autres comédiens à l’identité non communiquée.

 

Jean-François a 12 ans quand son père, éleveur et dresseur de chevaux, lui offre une jument qu’il baptise Gazelle. Il vit avec son frère Cédric et ses parents dans une grande ferme perchée sur la montagne.

Jean-François apprivoise sa nouvelle amie et découvre son monde emprunt de silence et de sensibilité. Quelques années plus tard, Cédric possède lui aussi un cheval. Alors que les deux frères participent à un spectacle hippique, Jean-François se fait repérer par l’organisateur du salon du cheval d’Avignon. Il accepte sa proposition mais n’emmène pas son frère dans l’aventure ! Il propose néanmoins à une jeune admiratrice, Isabelle, de devenir sa palefrenière. Elle le suit et l’épouse.

Gazelle6Jean-François se prend d’amitié pour un vendeur de vans intriguant qui lui parle de Dieu et d’amour. Coups de poignard à répétition pour l’artiste : Cédric lui pique un contrat important et son numéro de « Cromagnon » qui l’a rendu célèbre, puis Gazelle tombe gravement malade. Son ami croyant lui propose alors de prier pour la sauver. Deux jours plus tard, elle est sur pied. Un miracle, selon le vétérinaire ! Jean-François achète la Bible et commence sa conversion. Mais ses rapports avec sa femme se dégradent. Il la retrouve une nuit dans son lit avec un ami commun et décide de divorcer. Peu de temps après, il épouse Sylvie, perdue de vue depuis longtemps, dont il aura deux filles. L’aînée se verra transmettre l’amour de cet univers hippique magique.

Gazelle 4

Le héros de ce long métrage autobiographique est aussi le scénariste, le réalisateur, le comédien et le producteur ! Tout ça pour un seul homme, ça fait beaucoup et ça fait même beaucoup trop !

Jean-François Pignon a voulu raconter son histoire émouvante, celle du petit dresseur anonyme des montagnes devenu l’un des plus grands dresseurs de chevaux au monde. Une idée louable certes, mais quand on sait déléguer. Le scénario, pas écrit, manque de cohérence, d’esprit, et tout simplement d’intérêt. On apprend par exemple que Jean-François et Isabelle se sont mariés lorsqu’ils s’apprêtent à divorcer ! On cherche désespérément un semblant de dramaturgie et quand elle pointe son nez, elle retombe aussi vite, laissant le sentiment que l’auteur n’avait pas d’intentions précises. Les dialogues d’une rare pauvreté sont redondants par rapport aux images. Ils nous plongent dans l’ennui ou nous font rire – involontairement – aux éclats. Et comme les comédiens jouent très mal, difficile de chercher un seul responsable ! Pour saupoudrer le tout : la musique règne en actrice principale.

Gazelle 3Jean-François Pignon évoque la foi, puis sa propre foi, mais dit n’appartenir à aucune religion. Difficile à croire. Quant à son désir permanent de vouloir pardonner à tout le monde, il finit par agacer. Les bons sentiments alourdissent l’histoire d’une naïveté dont elle se serait passée.

Pourtant, d’un point de vue esthétique et technique, ce film trouve toute sa place de par ses beaux travelling et un son parfait. Coup de chapeau donc aux chefs opérateurs qui ont su mettre en lumière les scènes de dressage, de promenade dans la montagne ou sur les bords de mer en Camargue.

Dépourvue d’intensité dramatique, l’histoire ne témoigne certainement pas à sa juste valeur de l’aventure humaine et spirituelle de Jean-François Pignon. Dommage !

La cour de Babel

Par Olivier Pélisson

 

Age : Tous publics
Sortie : 12 mars 2014

Durée : 1h29
Un film français
Genre : Documentaire

Réalisation :

Julie Bertuccelli

 

10e arrondissement de Paris. Un collège au milieu d’immeubles près du Canal Saint-Martin. Une classe d’accueil où sont rassemblés des élèves tous juste arrivés de leurs pays, et qu’une enseignante familiarise et perfectionne à la langue française. Ils sont vingt-quatre, et ont entre onze et quinze ans. Ils viennent de Pologne, Tunisie, Mali, Croatie, Chili, Roumanie, Maroc, Biélorussie, Guinée, Brésil, Angleterre, Irlande du Nord, Serbie, Lybie, Venezuela, Côte-d’Ivoire, Etats-Unis, Sri Lanka, Ukraine, Mauritanie et Chine.

Réunis pour une année scolaire, ils attendent d’intégrer une classe de filière classique et de trouver leur voie en France. Pendant une heure et demie, le documentaire les accompagne et suit des présentations, discussions, confrontations, confessions et moments d’émotions avec leur prof Brigitte Cervoni. Un concentré de singularités et d’altérité. Où tous écoutent l’expérience de l’autre en commençant par apprendre à dire bonjour dans sa langue.

La cour de Babel.jpg-q_x-xxyxxJulie Bertuccelli ne filme que dans le cadre de l’école. Aucune intrusion dans l’espace privé. Tous les plans sont situés à l’intérieur de l’établissement et autour du programme pédagogique, comme pour le déplacement au Festival Ciné-Clap du film scolaire de Chartres. Ce parti-pris renforce l’intensité du propos et donne tout son poids à cette cour singulière, car l’enjeu reste concentré sur ce lieu d’éducation, d’apprentissage, où l’individu se construit au milieu du collectif. Et où l’étranger est accueilli avec sa différence.

L’intime pénètre l’école avec les visages et les corps de ces êtres en transition. Des êtres qui s’expriment avec spontanéité et parfois difficulté, tant les mots sont durs à trouver ou à assumer, et qui se font traducteurs quand leurs proches viennent rencontrer l’enseignante et que la compréhension manque. Des pans d’histoires familiales surgissent alors derrière les bureaux scolaires.

Cette transition tant géographique qu’existentielle touche fortement. C’est elle qui a attiré la cinéaste. Ces préados arrivent tous d’un ailleurs plus ou moins lointain et sont confrontés à des nouveaux repères comme à l’apprentissage de la vie, eux qui sont en train de passer de l’enfance à l’âge adulte. Envie de sécurité, pour ceux qui sont menacés dans leur propre pays. Envie de liberté, pour ceux qui y sont muselés. Envie de foyer retrouvé, pour ceux qui étaient séparés de leurs proches.

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La caméra capte aussi la spontanéité et les tâtonnements de cette France en devenir. Une « cour de Babel », reflet d’un monde où il faut résister et persévérer pour se faire sa place. Le niveau de français n’est pas le même chez tous, la capacité d’apprentissage et de progression non plus. Mais tous doivent réagir et bougent de leur place initiale et de leurs croyances et certitudes. Le spectateur aussi, qui apprend à connaître et à accueillir ces enfants qui sont le terreau d’un avenir proche.

Julie Bertuccelli, dont l’humanisme romanesque faisait mouche avec ses deux longs métrages de fiction Depuis qu’Otar est parti… et L’Arbre, confirme que son regard reste perçant et bienveillant. En douceur et sans pensum, elle affirme aussi via son art, et via une mise en scène au plus près des visages, que vivre ensemble est toujours possible, et que la mixité n’est que richesse.