Par Olivier Pelisson
Comédie dramatique française
Age : à partir de 12 ans
Sortie :
12 septembre 2012
Durée : 1h55
Réalisation : Noémie Lvovsky
Scénario : Noémie Lvovsky, Florence Seyvos
Interprétation : Noémie Lvovsky, Samir Guesmi, Judith Chemla, India Hair, Julia Faure, Yolande Moreau, Michel Vuillermoz, Denis Podalydès, Vincent Lacoste, Jean-Pierre Léaud, Mathieu Amalric…
Depuis son premier long métrage Oublie-moi, sorti en 1995, Noémie Lvovsky revient à la réalisation tous les quatre ou cinq ans. Pour son cinquième
opus, elle pousse encore plus loin la fantaisie loufoque qui caractérise son univers.
Camille redouble s’affranchit en effet des codes réalistes à travers l’histoire d’une quarantenaire qui, après une copieuse cuite de réveillon suite à son divorce, se réveille à l’aube de ses seize ans. Là, commencent l’émerveillement et le suspense. Emerveillement du personnage qui retrouve avec émotion ses parents depuis disparus, le milieu des années 1980 et ses toujours meilleures copines. Suspense de savoir si elle va revivre la même rencontre amoureuse avec celui qui va la faire tant souffrir vingt-cinq ans plus tard.
Oui, Francis Ford Coppola mettait déjà en scène une héroïne déçue par son couple et qui
se retrouvait après un malaise projetée vingt-cinq ans auparavant dans Peggy Sue s’est mariée. Mais la cinéaste française joue dans une autre cour. Celle de la folie douce et du burlesque. Celle de la tragi-comédie à l’italienne où le rire se mêle à l’émotion.
La bonne idée de Noémie Lvovsky est d’incarner elle-même Camille, cette femme les deux pieds dans la vie. Avec sa présence « ogresque » et fragile à la fois, elle insuffle son énergie singulière qu’elle distille depuis plusieurs années dans le cinéma français, chez ses consœurs et confrères avides d’elle. Décidée ou le visage tremblant, elle se glisse à merveille dans la peau de sa créature et réussit à rendre plausible le postulat de départ : faire adhérer le spectateur à ce film où l’actrice de quarante-cinq ans incarne elle-même sa version adolescente. Tout comme son prince charmant porté haut par Samir Guesmi.
Avec ses rajouts capillaires, ses jupettes, ses collants, ses Doc Martens et son walkman, elle amuse et crée un personnage comique par son décalage à la manière d’un Buster Keaton. Camille est un passeport d’identification idéal pour croire à l’incroyable : le retour dans le passé. Et plutôt que de jouer la carte du passéisme paresseux, la cinéaste dynamite les poncifs dans une quête bouleversante du lien parental. Et surtout maternel. Camille enregistre sur son magnétophone son père et sa mère chantant « Une petite cantate » de Barbara. Camille suit sa mère à la trace dans la maison, sachant la mort de celle-ci prochaine. Camille déborde d’amour désinhibé.
La poésie lunaire de la réalisatrice s’épanouit aussi dans ce voyage au cœur de l’âge
adolescent, berceau des sentiments et du désir. L’amour renaît malgré Camille, de salle de permanence en baiser nocturne à la lumière de réverbères. Elle saisit le charme et l’excentricité d’un quatuor de copines avec un casting bien vu (Judith Chemla, India Hair, Julia Faure) et évoquant bien sûr les quatre autres de La vie ne me fait pas peur. Avec soin et flair, elle offre à de sacrées personnalités des apparitions touchantes (Yolande Moreau) comme décapantes (Jean-Pierre Léaud, Mathieu Amalric).
Une impertinence libertaire nourrit cette aventure. De libertaire à libératrice, il n’y a qu’un pas que le film franchit dans un monde débridé et foutraque. Noémie Lvovsky aime le mélange des genres et l’alliance d’une colonne vertébrale narrative à des idées débridées qui jaillissent. En ressort un long métrage gonflé, dynamisant, et émouvant. Une ode à sa bonne étoile et au cinéma, espace de tous les possibles. Camille redouble de bonheur.