Par France Hatron
Age : A partir de 13 ans
Sortie : Le 11 décembre 2013
Durée : 2h10
Un film chinois japonais
Genre : Drame
Réalisation :
Jia Zhang-Ke
Distribution : Wu Jiang, Wang Baoqiang, Zhao Tao, Luo Lanshan, Jiayi Zhang, Meng Li…
Quatre personnages évoluent dans quatre provinces de la Chine contemporaine où l’on parle des dialectes différents. Leurs destins ne se croisent pas mais leur histoire a ce point commun de dévoiler une Chine en pleine mutation, qui souffre d’un développement économique galopant et de mouvements de migration interne colossaux, laissant pour compte, sur le bord de la route, des citoyens désespérés, en soif de justice et d’égalité. Leur arme fatale pour survivre ? La violence… Ces histoires sordides sont inspirées de faits divers chinois qui décryptent quatre mécaniques de la violence pouvant pousser à bout : la pression sociale, le déni de soi, la perte de contrôle soudaine, le désir de mourir.
Dahai, un mineur exaspéré par la corruption des dirigeants de son village et le silence de leurs acolytes complices, décide de se faire justice lui-même. San’er, un travailleur migrant, découvre les « vertus » de son arme à feu qu’il actionne à tout va comme un jouet. Xiao Yu, elle, est hôtesse d’accueil dans un sauna. Harcelée sexuellement par un client aisé, elle commet l’irréparable. Quant à Xiao Hui, il accepte des postes dégradants et subit des humiliations à répétition. La plus terrible sera certainement celle de sa mère, vivant à ses crochets, qui lui reproche de ne pas lui donner assez d’argent ! Pauvre enfant…
Quelle noirceur dans ces quatre tableaux de la Chine d’aujourd’hui d’où se dégage toute la rage de la frustration et du désespoir de la nouvelle génération qui doit se construire dans une culture contre identitaire. La violence, souvent gratuite, est le personnage principal de ce film porté par des acteurs sensationnels, pour beaucoup d’entre eux non professionnels.
A touch of sin offre une mise en scène et une réalisation inventives sans failles. La révolte se ressent non seulement dans les personnages mais aussi dans leur environnement : les paysages de montagne comme ceux de la ville moderne dégagent l’austérité, la pauvreté, la peur et la folie. Rien à redire sur la description du climat ambiant dans lequel les chinois ont du mal à s’imaginer un avenir. Un bémol « osé » cependant quant au scénario, puisque le film a reçu, cette année, à Cannes, l’honorable Prix du scénario ! Dommage qu’une trame commune ne vienne lier les quatre opus de cette oeuvre forte avec une dramaturgie ou un épilogue communs. On s’attache aux personnages quand ils vont quitter l’écran. On les cherche dans l’histoire suivante alors qu’ils ont bel et bien disparu. On rentre dans la vie de leurs successeurs avant de devoir s’en défaire aussi, trop vite. Mais l’exercice permettrait-il de mieux saisir le mal être de bien des chinois, la nécessité qu’ils ont de devoir changer sans cesse de travail, de village, leur désir de vengeance, leur soif d’argent. Ils ont reçu en héritage la notion de collectivisme tout comme le manque de conscience individuelle. Il leur faut ensuite composer avec ça. Pas facile de donner du sens au futur quand on a l’âme en peine, meurtrie par un passé sale. En témoignent ces héros de la violence.