Par France Hatron
Age : A partir de 15 ans
Sortie : 22 janvier 2014
Durée : 1h21
Un film français, guinéen, sénégalais
Genre : Drame
Réalisateur : Mama Keïta
Distribution : William Nadylan, Mame Indoumbe Diop, Ibrahima Mbaye, Mouss Diouf, Omar Seck, Jacky Tavernier, Ismael Thiam…
Un taxi jaune dépose un jeune Sénégalais distingué dans une rue de Dakar. Il franchit la porte d’une maison et découvre, à même le sol du jardin, une femme enfilant des perles. Il s’agit de sa grand-mère, émue de le revoir. Elle lui présente sa sœur Aïcha, une jolie jeune femme muette et sauvage.
Puis, Adama rend visite à un vieil ami, dans sa boutique de caméras vidéos. Ce dernier reproche au déserteur de ne pas lui avoir donné signe de vie pendant toutes ces années.
Contre toute attente, l’enfant prodige n’est pas rentré pour toujours, il compte repartir dès le lendemain. Sa sœur et sa grand-mère reçoivent très mal la nouvelle. Adama n’avait déjà pas tenu sa promesse de rentrer au pays à la fin de ses études et aujourd’hui encore, il les déçoit. La vielle femme soupçonne son petit-fils de repartir en France pour une femme. Adama lui confie alors avoir divorcé deux ans plus tôt.
Le jeune homme rend ensuite visite à l’un de ses anciens professeurs qui lui en veut, lui aussi, d’avoir étudié à l’étranger aux frais de son pays.
Lors d’une promenade nocturne avec son ami Djibril, Adama croise sa sœur Aïcha, devenue prostituée, sous la coupe d’un proxénète connu et craint par la ville entière. Abasourdi, le jeune homme retrouve le proxénète dans la soirée et le tabasse avant de violenter sa soeur aussi. Le souteneur met alors à prix la tête d’Aïcha. Commence alors une course poursuite infernale entre Adama et le proxénète qui, lui-même, course Aïcha.
Comme son personnage principal, Mama Keïta est d’origine africaine et a étudié ailleurs. Il dresse un état des lieux critique de l’Afrique et nous donne en même temps des clés pour comprendre et analyser sa dérive. L’Afrique se saigne pour envoyer ses élites étudier à l’étranger et n’a finalement pas de retour sur « investissement ». L’ancien professeur d’Adama le lui fait comprendre avec des mots blessants : « ce diplôme que vous possédez n’est pas seulement le fruit de votre géni. Nous sommes des millions à en être propriétaire ». Mais pour le déserteur, le devoir est un sacrifice auquel il n’est pas prêt : « je suis scientifique. Vous m’appelez au sacrifice ».
Le film pose la question de la responsabilité individuelle ou collective. Par son absence, Adama est-il responsable de la déchéance de sa sœur ? La piteuse image qu’elle lui renvoie est celle d’un pays natal perdu lui rappelant que l’Afrique, c’est aussi et surtout : la violence, la drogue, la précarité, la soumission de la femme et la perte de soi. Et pas seulement à cause du sous-développement. Mama Keita va plus loin en pointant du doigt la fuite des cerveaux. Pour lui, l’esclavage n’est finalement pas si loin.
William Nadylan interprète avec beaucoup de délicatesse et de profondeur son personnage d’Adama qu’il rend ainsi très digne. A ses côtés, Mouss Diouf en proxénète sans foi ni loi, lui arrive à la bonne hauteur. Le scénario, quant à lui, pèche au niveau de la psychologie des personnages secondaires dont on peine à retrouver le lien entre le passé et le présent. Mais le propos du film – plaidoyer pour la liberté d’étudier chez soi – à lui seul, appelle à la révérence.