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Par France HatronClaude LelouchCes amours-là

Film français

Sortie : 15 septembre 2010

Genre : Comédie dramatique

Durée : 2 h

Réalisation : Claude Lelouch

Interprétation : Audrey Dana, Raphaël, Dominique Pinon, Liane Foly, Zinedine Soualem, Salomé Lelouch, Anouk Aimée, Laurent Couson

 Ce n’est pas un hasard si Ces amours-là fut montré en avant première mondiale, pour l’ouverture du Festival International du film de Moscou le 17 juin dernier. L’amour de Claude Lelouch pour la réalisation « est né à Moscou en 1957 sur le tournage de Quand passent les cigognes, en regardant Mikhaïl kalatozov tourner son film dans les studios de Mostfilm ». Il fut « l’un des tous premiers à l’époque à avoir filmé, la caméra planquée sous le duffle-coat, la vie quotidienne en URSS* ». Le cinéaste fait d’ailleurs référence à la capitale soviétique à la fin de ce film.      

Un avocat qui est aussi un talentueux joueur de jazz, interprété avec brio par le chanteur Raphaël, raconte la vie d’une de ses clientes qui tua un homme quelques années auparavant. L’histoire qui suit est celle de cette femme particulière, particulièrement touchante…

A Paris, sous l’occupation allemande, la jeune et belle Ilva est amoureuse d’un jeune français bien sous tous rapports. Elle doit un jour demander une faveur à un officier allemand, ce qui va modifier le cours de sa vie.

N’ayant pas été élevée par son père de sang, Ilva s’est forgé un caractère d’acier et a appris à se battre dès son plus jeune âge. Elle semble avoir hérité de l’énergie, de la force psychologique et du courage de sa mère. Sans être calculatrice, Ilva a la particularité de tomber vite amoureuse, ce qui ne sert pas toujours ses intérêts. Elle nous laisse d’ailleurs imaginer qu’elle préfère aimer un homme plutôt que d’être aimée, ce qui va l’amener à faire de très mauvais choix dans sa vie. Des choix qui auront une influence significative tant sur elle que sur sa vie tout entière. Ilva est une femme très libre pour son époque et courageuse. Elle fait passer l’amour avant tout le reste dans sa vie car elle raisonne avec son cœur qui prendra sans cesse le dessus sur sa raison.

Un personnage qui pourrait être le double de Claude Lelouch au féminin, en somme. Une analyse que le cinéaste approuve volontiers*.

L’atmosphère à la fois chaleureuse et nostalgique propre à Lelouch habite chaque séquence de Ces amours là. La structure du scénario, intelligemment élaborée, permet deux niveaux de lecture : celui de l’histoire d’Ilva au travers des années, mais aussi celui de l’œuvre complète de Claude Lelouch qui est retracée ici en toile de fond et connectée par petites touches à la fiction.

L’auteur disperse petit à petit des extraits de ses 42 films précédents et fait de gros plans sur les comédiens qu’il a tant aimés et transcendés dans son oeuvre. Il semble vouloir les remercier dans ce film qui pourrait être une sorte d’hommage à sa carrière et à celle des acteur

s sans lesquels il ne serait pas grand-chose. C’est d’ailleurs lui qui le dit.

On retrouve des acteurs inoubliables comme Evelyne Bouix, Marie-Sophie L., Anouk Aimée, Alessandra Martinez, Nicole Garcia, Jean-Louis Trintignant… et un chanteur talentueux, à succès : Raphaël qui se voit confier deux rôles dans le même film : celui du premier amour d’Ilva et celui du dernier. Lelouch a toujours essayé de s’imprégner de l’air du temps en mettant en scène des personnalités en vogue – chanteurs, hommes politiques, journalistes, sportifs de haut niveau – autant d’hommes et de femmes qui contribuent à livrer des captures émouvantes de l’époque filmée. Avec Raphaël, qu’il n’affectionne pas seulement pour son talent, mais aussi pour sa beauté, son charme et son aura auprès de la jeune génération, il continue sur sa lancée. Comme par le passé avec Patricia Kaas dans And now ladies and gentlemen, et Bernard Tapie dans Hommes femmes mode d’emploi.

L’histoire se savourera avec un plaisir d’autant plus illimité si le spectateur possède une bonne culture de l’œuvre de Lelouch. Quand Ilva hésite entre deux hommes, Bob et Jim, on ne peut que se remémorer Jeanne Moreau, le cœur battant entre Jules et Jim de François Truffaut. Lelouch avoue aisément que « le parallèle n’est pas une pure coïncidence mais bien une référence* » au film mythique. De même que les scènes du projectionniste du cinéma où travaille Ilva nous font penser au Cinema paradiso de Giuseppe Tornatore et à la propre histoire de Claude Lelouch. Ses parents se sont en effet rencontrés pour la première fois dans un cinéma et le réalisateur juif fut en plus caché dans un cinéma durant la seconde guerre mondiale. Que dire des séquences où les Allemands occupent le cinéma, lieu qui devient alors l’endroit où il faut être vu, celui où l’on vit et celui l’on meurt, un peu comme le théâtre transformé en cinéma dans Inglorious Bastards de Quentin Tarentino. Aucune intention de plagier qui que soit pour Lelouch. Il a seulement l’intention, avec ses patchworks de recréer les émotions que son public a particulièrement aimées dans ses films, celles qu’il a adorées dans les films des autres et celles que le public va ressentir grâce à Ilva et aux hommes de sa vie.

Le cinéaste porte un vrai regard d’amour sur ses personnages, même sur l’officier allemand qui tient entre ses mains le destin du beau père d’Ilva. Ce qui donne au film une légèreté qu’il n’aurait pas, vu le contexte historique et la dramaturgie de l’histoire en constante progression. Mentionnons la scène légendaire dans laquelle l’officier allemand commence à jouer la Marseillaise à l’accordéon, pour les beaux yeux d’Ilva ! Mélodie qui résonne à tue tête dans le quartier général de la Gestapo, sous l’œil décontenancé des officiers. Un moment hilarant et fort en émotions.

Lelouch a pris le parti de filmer ses acteurs à hauteur d’yeux, de faire évoluer sa caméra au milieu d’eux comme un énième comédien qui a tellement sa place qu’on le voit plus. Il a « toujours voulu rendre libres ses acteurs pour capter leur subconscient plutôt que leur savoir* ». Ainsi transcendé, leur jeu convainc et fascine. La poésie et la sensualité des dialogues très bien écrits – on sait tout le talent que Claude Lelouch reconnaissait à Michel Audiard avec lequel il aurait aimé faire un film* – s’ajoutent à celle des images.

Claude Lelouch a toujours aimé « foncer à la rencontre du public* », au risque de se brûler parfois les ailes avec la critique. Avec Ces amours-là, il fait coup double, coup triple même puisqu’il se rend un bel hommage, faisant de cette oeuvre presque un film d’adieu, au moins une belle révérence à l’homme et à l’artiste.  

* Propos confiés à France Hatron lors d’une interview réalisée pour RFI le 6 juillet 2010 et diffusée à deux reprises, le 15 août et le 26 septembre 2010 dans l’émission de Catherine Ruelle Cinéma d’aujourd’hui Cinéma sans frontières.

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