Par Olivier Pélisson
Il est là, à deux pas, le Festival de Cannes. 68e du nom, avec ses dix-neuf prétendants à la Palme d’Or. La Semaine de la Critique est là aussi, pour sa 54e édition. Et la Quinzaine des Réalisateurs, pour sa 47e édition.
Du beau monde, avec les frères Coen co-présidents (une première !) du grand jury, accompagnés des actrices française Sophie Marceau, espagnole Rossy de Palma, anglo-américaine Sienna Miller, de la chanteuse-musicienne malienne Rokia Traoré, de l’acteur américain Jake Gyllenhaal, et des cinéastes mexicain Guillermo del Toro et canadien Xavier Dolan. Au court métrage et à la Cinéfondation, c’est le cinéaste mauritanien Abderrahmane Sissako qui préside, avec l’actrice belge Cécile de France, les réalisatrices libanaise Joana Hadjithomas et française Rebecca Zlotowski, et l’acteur polonais Daniel Olbrychski.
Au jury Un Certain Regard, Isabella Rossellini préside, avec l’actrice-réalisatrice libanaise Nadine Labaki, la réalisatrice saoudienne Haifaa Al-Mansour, le réalisateur grec Panos H Koutras et l’acteur français Tahar Rahim. A la Caméra d’Or, Sabine Azéma préside, avec la réalisatrice Delphine Gleize, l’acteur Melvil Poupaud, le réalisateur Yann Gonzalez, le directeur de la photographie Claude Garnier, l’industriel Didier Huck, et le critique Bernard Payen, tous français.
A la Semaine de la Critique, l’actrice et réalisatrice israélienne Ronit Elkabetz préside, avec la réalisatrice française Katell Quillévéré, le directeur de la photographie britannique Peter Suschitzky, la programmatrice canadienne Andréa Picard et le critique néerlandais Boyd Van Hoeij.
Le patrimoine est à la fête. Ingrid Bergman trône sur l’affiche officielle du 68e Festival, à l’occasion du centenaire de sa naissance. Tout comme Orson Welles est fêté pour le même anniversaire dans la section Cannes Classics, avec des fictions et des documentaires. Sans oublier des hommages à Manoel de Oliveira, Costa-Gavras, Barbet Schroeder, et aux cent-vingt ans du Cinématographe Lumière.
Les films ? Plus d’une centaine d’œuvres à se mettre sous la dent, devant les yeux, dans la tête. Des longs-métrages surtout, de la Sélection officielle à la Semaine de la Critique, de la Quinzaine des Réalisateurs à la programmation de l’ACID (Association du cinéma indépendant pour sa diffusion). Un panel impayable sur la création du moment.
Des courts métrages, aussi, dans chaque sélection, et pour l’opération Talents Adami Cannes, déjà présente pour sa 22e édition. La Sélection officielle en présente neuf, et dix-huit dans sa section maison Cinéfondation. La Semaine de la Critique en présente dix, et la Quinzaine des Réalisateurs onze.
Cannes c’est aussi des récompenses. La Palme d’Or fête ses soixante ans en 2015. La première fût décernée à Marty de Delbert Mann en 1955, après neuf ans de remise de Grand Prix depuis 1946. La Sélection officielle réunit neuf prix principaux dans son palmarès. La Semaine six prix, la Quinzaine quatre prix. La Caméra d’Or, remise au cours du palmarès de la Sélection officielle, récompense le meilleur premier film, toutes sections confondues. Au fil des ans, une douzaine d’autres récompenses sont nées, des Prix Fipresci au Trophée Chopard, du Prix François-Chalais au Prix du jury œcuménique, de la Queer Palm à la Palme Dog. Nouveauté en 2015, le documentaire aura désormais sa récompense, toutes sections confondues : l’Œil d’Or, remis samedi 23 mai.
En lice pour la récompense suprême, la Sélection officielle accueille des « novices » en compétition, et en nombre : Valérie Donzelli, Stéphane Brizé, Guillaume Nicloux, Justin Kurtzel, Joachim Trier, Denis Villeneuve, Yorgos Lanthimos, Michel Franco et Laszlo Nemes (pour son premier film). Soient huit sur dix-neuf prétendant(e)s à la Palme. Seuls deux déjà palmés sont présents : Nanni Moretti et Gus Van Sant. Ils sont aussi les deux seuls déjà primés pour la mise en scène à Cannes. Quant à Jacques Audiard et Matteo Garrone, ils ont déjà reçu le Grand Prix du jury sur la Croisette.
Agnès Varda recevra une Palme d’Or d’honneur pour sa carrière lors de la cérémonie de clôture du dimanche 24 mai. Le cinéaste chinois Jia Zhangke recevra lui le Carrosse d’Or pour sa carrière, lors de la cérémonie d’ouverture de la Quinzaine des Réalisateurs jeudi 14 mai.
Côté long-métrage, les femmes derrière la caméra sont présentes en sélection officielle, avec deux en compétition, deux hors compétition, et quatre à Un Certain Regard. Trois font partie de la sélection de la Quinzaine des Réalisateurs, mais aucune à la Semaine de la Critique. Heureusement, côté court, la Semaine se rattrape, tout comme chaque section de court-métrage offre des œuvres réalisées par des femmes et des hommes.
Constat, les acteurs qui passent à la réalisation continuent d’intéresser les programmateurs. Natalie Portman débarque en séance spéciale avec Une histoire d’amour et de ténèbres, et Louis Garrel avec Les deux amis à la Semaine de la Critique. Quant à Reda Kateb, son court métrage Pitchoune est annoncé à la Quinzaine des Réalisateurs. Et les actrices devenues réalisatrices confirmées sont bien présentes en Sélection officielle, avec La Tête haute d’Emmanuelle Bercot en ouverture, Marguerite & Julien de Valérie Donzelli et Mon roi de Maïwenn (avec Bercot !) en compétition. Toutes françaises.
Les représentations du monde ? S’il est de plus en plus flou de définir un film par sa bannière nationale, il peut se regarder par son ou sa cinéaste. Toujours beaucoup d’Europe. La France alimente copieusement les diverses sections. L’Italie est en force avec trois films en lice pour la Palme d’Or (Nanni Moretti, Matteo Garrone, Paolo Sorrentino). Et le Portugal fait figure d’ovni avec les trois longs-métrages de Miguel Gomes à la Quinzaine des Réalisateurs (Les 1001 nuits).
L’Asie est bien là, avec Jia Zhangke (Chine), Hou Hsiao-hsien (Taïwan) et Hirokazu Kore-Eda (Japon) en compétition, les Nippons Naomi Kawase et Kiyoshi Kurosawa, le Thaïlandais Apitchatpong Weerasethakul, le Philippin Brillante Mendoza, deux films indiens (Masaan, The Fourth direction), et l’un des deux sud-coréens (Madonna de Shin Su-won) à Un Certain Regard. Sans oublier du cinéma de genre, toujours coréen, en séance spéciale officielle (Office), à Un Certain Regard (Shameless), à la Semaine de la Critique (Coin Locker Girl), et japonais, avec le franc-tireur Takashi Miike en séance spéciale à la Quinzaine (Yakusa Apocalypse).
Le Moyen-Orient tire son épingle du jeu avec des premiers longs-métrages, israélien en séance spéciale officielle (L’Esprit de l’escalier de Elad Keidan), iranien à Un Certain Regard (Nahid de Ida Panahandeh), turc à la Quinzaine des Réalisateurs (Mustang de Deniz Gamze Ergüven), et palestinien à la Semaine de la Critique (Dégradé des frères Arab & Tarzan Nasser).
L’Afrique tient bon avec le maître malien Souleymane Cissé en séance spéciale officielle (Oka), le cinéaste marocain Nabil Ayouch à la Quinzaine (Much Loved), et une première, le premier film éthiopien Lamb de Yared Zeleke à Un Certain Regard. L’Océanie brille en Sélection officielle avec deux cinéastes australiens, un reconnu (George Miller et son Mad Max : Fury Road hors compétition), et un de la nouvelle génération (Justin Kurtzel et son Macbeth).
L’Amérique du Sud brille avec les Mexicains Michel Franco en compétition (Chronic) et David Pablos à Un Certain Regard (Las elegidas), les Colombiens José Luis Rugeles Garcia à Un Certain Regard (Alias Maria), Ciro Guerra à la Quinzaine (El abrazo de la serpiente) et César Augusto Acevedo à la Semaine (La Tierra y la sombra), la Chilienne Marcia Tambutti à la Quinzaine (Allende mi abuelo Allende), et l’Argentin Santiago Mitre à la Semaine (Paulina).
Côté premiers films, une vingtaine de longs-métrages sont présents toutes sections confondues. Le jury de Sabine Azéma va avoir du pain sur la planche pour choisir sa Caméra d’Or !
Début des festivités : mercredi 13 mai.
Baisser de rideau : dimanche 24 mai.
Festival de Cannes Sélection officielle : http://www.festival-cannes.fr/
Semaine de la Critique : http://www.semainedelacritique.com/
Quinzaine des Réalisateurs : http://www.quinzaine-realisateurs.com/
Par France Hatron
Sortie : le 6 mai 2015
A partir de 15 ans
Durée : 1h31
Un film franco-algérien
Genre : Drame
Réalisation : Merzak Allouache
Distribution : Adila Bendimerad, Nassima Belmihoub, Ahcene Benzerari, Aïssa Chouat, Mourad Khen, Myriam Ait El Hadj, Akhram Djeghim, Amal Kateb
Par Dominique Martinez
Sortie : le 29 avril
A partir de 15 ans
Durée : 1h46
Un documentaire français
Réalisation :
Olivier Azam & Daniel Mermet
« Tant que les lapins n’ont pas d’historiens, l’histoire sera racontée par les chasseurs. Les chasseurs racontent des histoires de victoire (…) Mais l’histoire que préfèrent raconter les chasseurs, c’est pas d’histoire du tout (…) En écrivant une histoire populaire des Etats-Unis, Howard Zinn a pris le parti des lapins, le parti de ceux qui sont à l’autre bout du fusil ». Le postulat de départ de la trilogie d’Olivier Azam et Daniel Mermet donne le ton. Il s’ouvre par un premier volet passionnant intitulé Dupain et des roses, en hommage aux manifestations des ouvrières du textile de Lawrence (Massachusettes) de 1912. Le récit sera celui des perdants. Celui des esclaves, des Indiens, des déserteurs, des ouvriers, des ouvrières, des syndicalistes,… de tous ceux qui dans l’ombre de l’histoire officielle bataillent pour changer leur condition d’exploités. Lutte des classes versus impérialisme.
Comme l’indique le titre, le documentaire repose autant sur la vie d’Howard Zinn que sur son œuvre d’historien et surtout son livre – Une histoire populaire des États-Unis de 1492 à nos jours (Ed. Agone, 2002). Son expérience personnelle façonne le regard qu’il porte sur l’histoire du 20ème siècle. Ce n’est pas un hasard si Zinn est né dans une famille ouvrière d’émigrés juifs d’Europe de l’Est, au début du siècle. La réalité de la grande dépression, celle du travail d’ouvrier portuaire, puis le traumatisme de la seconde guerre mondiale – notamment son rôle dans le bombardement de Royan – le marqueront profondément. La Bande Dessinée, Une histoire populaire de l’empire américain*, impressionnante par sa maîtrise visuelle et son envergure historique, mêle également ces deux histoires.
C’est tout l’intérêt du film : au delà de la force du propos et de la rareté de nombreux documents d’archives, c’est une vision humaniste assumée qui se déploie. Les interventions de Zinn, celles du linguiste Noam Chomsky et de l’écrivain Chris Hedges, ponctuent le récit pédagogique de la voix off familière de Daniel Mermet. Et confirment l’importance de ce beau film militant qui vient combler des vides importants de l’histoire officielle américaine.
* Une histoire populaire de l’empire américain, de Howard Zinn et Mike Konopacki, Ed. Vertige Graphic, 2009, 263 p.
Ils seront 7 aux côtés de Joel et Ethan Coen à départager les films en Compétition au 68e Festival de Cannes. Qui sera dans le Jury des frères réalisateurs ?
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They will be 7 with Joel and Ethan Coen to select the prize winners at the 68th Festival de Cannes. Who will be in the Jury of the filmmakers brothers?
Par France Hatron
Sortie : le 2 avril 2015
Durée : 1h44
Un film turc, japonais, français
Genre :
Drame fantastique
Réalisation :
Çağla Zencirci et Guillaume Giovanetti
Avec :
Masahiro Yoshino, Megumi Ayukawa, Xiao Mu Lee…
Dans une forêt sombre, une voix off narre le conte japonais d’un pari d’argent : « Le renard et le raton laveur ».
A Tokyo, le PDG Mr Yoshino fait faillite. Son meilleur ami Lee, patron d’un bar, le console. Ils vont voir des filles, se saoulent. Cet épisode marque le début d’une dépression profonde. De son côté, Mme Wajima ouvre une lettre à son attention, provenant du service de Cancérologie de l’hôpital de Tokyo puis la déchire. Le tourbillon de la vie ne va décidément plus dans le bon sens. Son mari dévasté est sur le point de sauter par la fenêtre quand elle le rattrape in extremis. Elle le fait interner.
Yoshino s’éprend alors d’une pensionnaire, Mme Ayukawa, avec laquelle il regarde les montagnes depuis le toit de l’asile. Mme Ayukawa lui dit qu’elle veut rejoindre son bien-aimé dans « le monde du dessous ». Yoshino rencontre deux autres patientes qui écrivent un conte sur un raton laveur et un renard, une histoire qui lui rappelle la sienne. Mme Ayukawa disparaît mais elle a laissé un message sur le toit.
Structuré en trois parties – L’homme riche, Le raton laveur et Le renard -, le scénario à la fois trop complexe et naïf, mêle l’histoire d’un parcours initiatique vers la mort et la résurrection, à la légende du renard et du raton laveur. D’une première partie réaliste et ponctuée d’humour qui dépeint très bien le monde de l’entreprise au Japon et la déchéance d’un couple, on passe subitement à un monde imaginaire, hermétique et emprunt d’ésotérisme. Les nombreuses références au conte philosophique perturbent le récit et nous éloignent petit à petit du personnage principal, un PDG de Tokyo, pourtant fort attachant au départ. Quand son équilibre mental, perturbé par la faillite de son entreprise, le conduit jusqu’à la luxure, Yoshino bascule dans une dépression profonde qui développe son imagination. On perd alors pied avec lui mais on s’ennuie plus que lui ! Quand l’homme abattu se retire dans la forêt pour retrouver son amour perdu, qu’il tombe et reste coincé dans le piège du raton laveur, la naïveté touche à son paroxysme !
Cette histoire d’amour et de sacrifice, somme toute très morale, réclame un esprit contemplatif exacerbé que, nous européens, avons peut-être du mal à solliciter quand l’émotion fait défaut. Et c’est le cas ici. Intention louable que de vouloir montrer la dépression de l’intérieur et la faire se transformer en un voyage initiatique en quête de l’amour perdu… Mais le scénario ambitieux, la mise en scène parfaite et l’interprétation très juste ne suffisent pas à nous embarquer dans le monde merveilleux des animaux de la forêt, des temples et des grands maîtres nippons en un coup de baguette psychiatrique.
Par France Hatron
Sortie : le 4 mars 2015
A partir de 15 ans
Durée : 1h29
Un film italo-cambodgien
Genre : Drame
Réalisation : Llaria Borrelli et Guido Freddi
Distribution : Llaria Borrelli, Philippe Caroit, Setha Moniroth…
Cambodge. L’expropriateur, Xavier Lagrange, fait écraser une grand-mère et sa cabane, sous les yeux de ses petits-enfants, Srey et Kiri. La femme de Xavier, Mia – une parisienne photographe – le rejoint au Cambodge et le surprend dans un bordel entre les mains d’une fillette : Srey. Son petit monde bien rangé s’effondre brusquement. Elle achète de la cocaïne pour son usage personnel et l’on devine que ce n’est pas la première fois.
Le proxénète d’enfants, Sanan, qui règne en maître sur le bordel par la terreur, propose à Mia d’acheter Srey pour 5000 dollars. Mia, ne parvenant pas à rassembler la somme, accepte de se prostituer pour solder sa dette. Puis, dans une voiture volée, elle prend la fuite avec Srey. Le road movie dramatique a plus que commencé quand Mia découvre, dans le coffre, deux autres fillettes échappées du bordel : Malin et Daa. Les quatre nanas ne sont pas au bout de leur peine…
Avec ce second long métrage – coréalisé avec son mari Guido Freddi – Llaria Borrelli, s’offre son premier rôle en incarnant ici le personnage principal, Mia. Le film rend compte de l’exploitation sexuelle des enfants au Cambodge et de la fréquente complicité de leurs parents. Ces enfants, plus ils sont jeunes – une fois drogués et remis aux mains des proxénètes – mieux ils sont vendus et souvent même revendus au prix fort.
Les intentions de la réalisatrice sont claires : dénoncer cette exploitation, en choyant l’image. Pari tenu pour la dénonciation de ce fléau de société et pour les indéniables qualités artistiques de ce film. Mais il souffre hélas d’un scénario mal maîtrisé et d’une lenteur qui s’installe au premier tiers du film et ne nous lâche plus. Ce qui ne facilite pas l’accès à l’émotion. L’interminable promenade en forêt ennuie à mourir et prend le pas sur l’histoire. Et puis, le mélange des genres entre le documentaire fiction dans la première demi heure et le road movie dans l’heure qui suit se fait sans finesse. Ajoutées à cela : l’interprétation de Llaria Borrelli, inégale et sans nuances, etla musique quasi omniprésente pour nous plonger dans le bain de l’angoisse ou de l’espoir. Les dialogues creux ne pimentent pas le tout, ni la voix off lancinante de Mia essayant de nous faire croire que sa conception de la vie évolue au fil de son voyage initiatique. Mais on n’y croit pas ! Ne restent de ce film que la douceur et la douleur de ces enfants « otages » et leur espoir qu’un jour leur vie change. D’ailleurs, quand elles jouent entre elles, les petites malheureuses évoquent leurs futurs maris !
PRIX CINEMA
Meilleur film français
TIMBUKTU de Abderrahmane Sissako
Meilleur film étranger
WINTER SLEEP de Nuri Bilge Ceylan
Meilleur premier long métrage français
LES COMBATTANTS de Thomas Cailley
Meilleur premier long métrage étranger
LEÇONS D’HARMONIE de Emir Baigazin
Film singulier francophone
BIRD PEOPLE de Pascale Ferran
Meilleur court métrage français
ANIMAL SERENADE de Béryl Peillard
PRIX TELEVISION
Meilleure fiction
LE CHANT DES SIRÈNES de Laurent Herbiet (diffusion France 2)
Meilleur documentaire
HÉLÈNE BERR, UNE JEUNE FILLE DANS PARIS OCCUPÉ de Jérôme Prieur
(diffusion France 2)
Meilleure série française
3 x MANON de Jean-Xavier de Lestrade (diffusion Arte)
Par France Hatron
Sortie : le 28 janvier 2015
A partir de 15 ans
Durée : 1h25
Un film franco-canadien
Genre : Drame
Réalisation : Christophe Cousin
Distribution : Zacharie Chasseriaud, Antoine L’Ecuyer, Aure Atika…
Après le décès de son père, Victor et sa mère ont quitté la France pour le Québec. En s’aventurant sur le toit de son lycée, Victor aperçoit un adolescent prêt à sauter dans le vide. Il pose alors la main sur son épaule. Surpris, le jeune entame sa chute meurtrière. Victor récupère le baladeur MP3 du défunt François, et prend la fuite. Viennent ensuite le début d’un flirt avec une jeune fille du lycée et l’interrogatoire de la police. Après Victor, c’est au tour d’un ami du défunt de témoigner.
Victor se sent mal dans sa peau. Il reproche à sa mère de travailler de nuit et d’avoir quitté la France où elle avait un « bon boulot » et lui « des potes ». Lors d’une ballade nocturne au bord d’une rivière à fort courant, Victor parvient à sauver Samuel tombé à l’eau. Le jour de l’enterrement de François, Victor avoue à la mère du défunt sa présence sur le toit lors du drame…
Ce premier film se saisit d’entrée de jeu des préoccupations d’un adolescent presque lambda qui a perdu son père. On sent la violence qu’il a en lui lorsqu’il confie à sa psy : « j’aimerais bien être torero ». Une façon de reprendre les rennes de sa vie en extirpant ses blessures par la violence. Mais la psy le replace dans la réalité du monde adulte : «Bon… Quelque chose de réaliste ». A partir de là, son parcours n’aura rien d’un rêve. Le suicide de son camarade sous ses yeux le replonge dans le deuil déjà lourdement éprouvé par le départ de son père. Victor passe son temps à errer, tripoter son portable, le plus souvent sans mot dire. Il cherche à établir un lien moins superficiel avec sa mère mais qui s’avère aussi stérile que les dialogues du film sont creux. L’ambiance dramatique néanmoins bien rendue – rehaussée par l’atypique format carré du film – ne réussit pas à nous faire oublier le scénario peu structuré qui nous promène d’une intention à l’autre, avec hésitation, sans grande émotion, et nous plonge souvent dans l’ennui. On cherche des liens entre les séquences qui, filmées dans le désordre, n’auraient pas changé grand-chose au déroulé de l’histoire. Quant à la direction d’acteurs, bien épurée, elle n’avantage pas les comédiens. Les thèmes de la première relation amoureuse, du désir de l’autre, des pulsions suicidaires, de la responsabilité des images et des actes, de même que celle du deuil partagé et de la culpabilité sont certes évoqués mais quasi avortés.
Quand Victor découvre dans le portable de François une vidéo d’un jeune (supposé être François) respirant dans un sac en plastic, on ne sait pas si le personnage est victime ou consentant, s’il pratique un jeu, s’il a décidé de mourir asphyxié devant un témoin qui filme. Ou bien s’il est contraint de respirer dans le sac jusqu’à peut-être perdre la vie. Cette scène s’avère étrange et dérangeante. A cause de cette totale liberté donnée pour appréhender des thèmes aussi préoccupants que l’appel à mourir et le passage à l’acte, souffle comme un vent de malaise sur toute cette histoire.
Pour la première fois de l’histoire du Festival de Cannes, deux personnalités présideront son Jury de la Sélection Officielle.
Les cinéastes américains Joel et Ethan Coen ont accepté l’invitation du Président Pierre Lescure et du Délégué général Thierry Frémaux à devenir les Présidents de la 68e édition du Festival. Le tapis rouge fait place à l’humour noir et macabre qui séduit à la fois la critique et le public.
« Nous sommes très heureux de revenir à Cannes » ont déclaré Joel (60 ans) et Ethan Coen (57 ans) qui tournent actuellement Hail Caesar!, avec George Clooney, Christophe Lambert, Scarlett Johansson, Tilda Swinton, Josh Brolin et Channing Tatum. « Nous sommes surtout heureux de l’opportunité qui nous est offerte de voir des films venus du monde entier. Cannes est un festival qui, dès le début de notre carrière, a toujours joué un rôle important pour nous. Et être Présidents du Jury, cette année à Cannes, est d’autant plus un honneur que nous n’avons jamais été Présidents de quoi que ce soit. D’ailleurs, à ce titre, nous ne manquerons pas de nous exprimer le moment venu ! »
Les frères Coen, indissociables depuis bientôt 30 ans, sont un peu comme chez eux à Cannes depuis longtemps. En 1991, leur « Barton Fink » y a remporté la Palme d’Or, puis « Fargo » s’est distingué en 1996 par le prix de la mise en scène, tout comme « The Man who wasn’t there » en 2001. Leur dernière récompense cannoise, le Grand Prix, date de 2013 pour « Inside Llewyn Davis ».
Ils ont également remporté 138 prix dans le monde, selon le site IMDb.
On se réjouit de recevoir deux artistes aussi complets – à la fois scénaristes, réalisateurs, producteurs et monteurs – à la tête du plus prestigieux jury au monde. Welcome home Coen brothers !